La chevelure

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Mardi 29 décembre 2015,

Je la vois, elle m’apporte un grand format de celle que je préfère parmi les trois qu’elle a retenues. C’est une façon de se faire pardonner d’avoir annuler peut-être, ou c’est tout simplement et purement par gentillesse et pour me faire plaisir. L’image est belle, pas moi dessus, cela je m’en contrefiche, mais l’esprit est noir, subtile, démoniaque, un peu, beaucoup comme moi finalement. J’adore. Elle est ainsi elle aussi, et je crois qu’elle a perçu cette part sombre chez moi, ce caractère blessé à jamais, mais qui renforce, plus que n’importe quoi d’autre. Je tiens grâce à lui, je souffre et j’en tire beaucoup de bien. Cela peut paraître fou, je sais.

Donc elle est restée boire un café, discuter. J’étais là, je l’écoutais parler de son métier, très éblouie et très admirative. J’ai alors appris quelques anecdotes sur certains qui étaient de mes proches avant. Tout cela m’a rappelé des souvenirs du lycée et m’a paru aussi très brut. Brut dans le sens où elle a clairement choisi de ne pas s’attacher à eux car elle estime devoir faire son travail et non celui des parents. Je suis complètement de son avis, mais quand elle en parle elle le dit très franchement, sans peur de froisser son interlocuteur et sans crainte d’être confrontée à des opposants à ce sujet. C’est ce qui fait sa sympathie, sa simplicité et son accessibilité selon maman. En tout cas, elle est restée à la maison plus longtemps que prévu et rien que pour cela j’ai senti qu’elle y était bien, ça m’a réconfortée. J’apprécie beaucoup son côté torturé. On sent juste par sa présence qu’elle porte avec elle un lourd bagage plein de tristesse, de colère et d’incompréhension de la vie. Je veux dire par là que c’est sûrement quelqu’un qui a vécu des moments très durs, j’en suis même sûre d’après ce qu’elle raconte (et je pense qu’elle ne dit rien face à tout ce qu’elle a connu). D’ailleurs, on retrouve pleinement cette souffrance dans son art, les couleurs sont sombres, elle retouche ses oeuvres sur lesquelles les personnages et les éléments n’ont pas d’expression. Ceci leur donne tout leur charme, on se questionne sur la nature de ce qu’elle souhaite transmettre par leur contenu. Tout est noir et blanc, presque tout. C’est dingue qu’il existe des gens décalés comme moi. C’est dingue d’être torturé parmi les torturés.

J’ai l’impression que personne ne nous comprend, que personne parmi les « normaux » ne saurait déceler un dixième de ce qui nous passe par la tête. Des envies d’en finir, mais une lueur qui nous rattrape à chaque instant, des tortures de cerveau qui sont présentes en permanence, un déni de la vie humaine par dessus tout et pourtant une insaisissable obsession pour celle-ci, une peur panique de tout, comblée par un sentiment de splendeur et une sorte de confiance dominante, une attirance pour nos pairs, une sorte de vampirisme assoiffé, un attrait pour les éléments de la mort (fantômes, squelettes, crânes, poupées, roses, rouge, noir, ombres,…), mais aussi un très étrange souci de la femme dans toutes ses dimensions, et de l’amour qui blesse plus qu’il nous fait apprécier le monde.

Alors elle habite ce domaine non loin d’ici, composé de plusieurs bâtisses et dont l’une offre une salle agrémentée de tout un équipement typique à son activité. Je suis folle, certes, car j’ai cherché, le lieu a l’air charmant, et correspond à cette dimension perdue, à cette pointe de noblesse et à cette faille interne à l’humaine.

Et ses photos, que dire, elles sont d’une splendeur indéfinissable, effrayante, glaçante et tellement palpitante, excitante. C’est magnifique. C’est magnifique. Vraiment magnifique.

Je ne comprends que très peu ce qui m’attire, elle est particulière, toute particulière, j’ai une admiration démesurée pour ce qu’elle est et ce qu’elle fait alors qu’au fond c’est quelqu’un de très dur intérieurement, de blessée, mais cela la rend tellement tellement forte. C’est indéfinissable. C’est juste singulier. C’est juste merveilleux, je n’ai rencontré aucune personne auparavant qui, tout en m’attirant, pouvait provoquer ce sentiment d’égale longueur d’onde dans la façon de percevoir la vie… Je suis pourtant si jeune, mais je ne saurais expliquer ce truc interne qui me rend si vieille, et qui me permet de comparer mon être et ma torture à celle de cette personne si admirable. Son visage unique, sa bouche si fine et si grande pourtant, ce sourire si sincère tellement il se fait rare, cette carrure grande avec de si fines jambes, et ses cheveux si fins, peu nombreux et toujours placés sur le côté de son visage, accompagnés de ce geste qui les dépose lorsqu’ils tenteraient de s’échapper. Sa personnalité transparaît de façon très claire à travers son corps.

Je crois avoir fait l’une des rencontres les plus importantes de ma vie. Je dois, je me dois d’entretenir cette relation si singulière. Je le souhaite au plus profond de mon être, puisqu’elle est réellement un vrai mystère habité, une énigme.

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