Ton vocabulaire sous l’angle masculin ou le male gaze

Jeudi 18 février 2021,

Je suis crispée. Je suis tendue, et j’ai envie de crier. Crier pour te faire comprendre à quel point tu es victime du male gaze.

Qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’un concept théorisé en 1975 par Laura Mulvey dans Visual Pleasure and Narrative Cinema. Cela désigne le fait que la culture visuelle dominante imposerait au public d’adopter une perspective d’homme cisgenre hétérosexuel. Le problème de cette perspective masculine cisgenre hétérosexuelle c’est qu’elle regarde la femme comme un objet de désir, et la caméra et les photos de femmes présentes dans ces supports de culture visuelle montrent les femmes en s’attardant sur leurs corps. Cela crée une asymétrie du regard, et implicitement une asymétrie du pouvoir. Cette asymétrie du regard à tellement entraîné nos esprits, que même les femmes adoptent ce regard à l’encontre des autres femmes, mais également envers elles-mêmes.

Ce soir, nous regardions une série dans laquelle une scène de rapport sexuel était montrée (comme dans presque toutes les séries télévisées actuelles aujourd’hui…). Il est important de noter que la femme est plutôt vicieuse dans le film, pas très sympa, et a l’air frigide. D’abord la femme était sur l’homme, puis, elle s’est retournée pour passer en position doggy style. A ce moment-là, tu as sorti un « ah bah voilà, elle se fait tringler, ça ne lui fait pas de mal », et cela m’a assommée.

Comment, étant une femme, peux-tu parler comme cela ? Où as-tu oublié le respect de la femme, alors même que tu es une femme ? J’ai eu l’impression d’entendre un homme cisgenre hétérosexuel machiste au possible : le cliché du connard à qui on aurait envie de couper la queue. En fait, n’es-tu pas juste frustrée ? Parce que faire un doggy style c’est cool tu sais.

J’adore dire que c’est une question générationelle quand nos façons d’aborder ou de concevoir les choses divergent considérablement. Mais là, au-delà de la question des générations, tu m’as brutalisée. Je refuse qu’on considère la femme comme cela. Et pourquoi ne considérerions-nous pas que c’est la femme qui « tringle » l’homme ?

Parce que c’est lui qui pénètre ? Parce que c’est lui le « mâle dominant » ? Tout cela c’est ce qu’on veut bien montrer dans le but de ne pas nuire à l’image traditionnelle du couple cisgenre hétérosexuel. Le couple dans lequel le mec ne se prendrait jamais rien derrière et ne serait que le reflet de la puissance et du pouvoir ? Laissez-moi rire. Plein de mecs cisgenres hétérosexuels se prennent des doigts ou d’autres choses. Cela s’explique par le plaisir que procure les stimuli de cette zone intime. Mais non, de cela nous ne parlons pas. N’oserions-nous quand même pas abîmer l’image de l’homme viril qui sauve la bonne et gentille douce femme câline ?

Je vomis ces considérations. Laissons-nous vivre. Arrêtons de préjuger. Détruisons le patriarcat. Acceptons les pratiques et les choix de tous lorsqu’ils n’ont factuellement et moralement aucun impact sur nos propres vies.

Vendredi 19 février 2021,

J’ai été un peu dure dans mes propos. Mais rends-toi compte de l’intensité du problème. Tu nourris le propos de tous ces protagonistes du patriarcat malvenu. Et je ne peux pas te laisser faire.